Mise en scène Thomas Ostermeier
Vingt ans après ses Réflexions sur la question gay (1999) », Didier Eribond signe un livre fondamental, passionnant tant sociologique qu’autobiographique. Proche de Foucault et de Bourdieu, ce sociologue- philosophe atypique part, dans Retour à Reims (2009) de la mort de son père avec qui il n’avait plus de rapports et de son retour dans sa ville natale où il peut parler avec sa mère. Ce livre est donc aussi, la redécouverte de son milieu et un chemin de réconciliation avec sa mère. Il analyse les conditions, les ressorts, de sa famille, ouvrière et pauvre pour en tirer une réflexion solide, fine et émouvante sur la trajectoire personnelle d’un jeune gay qui grandit dans les classes populaires de Reims puis fuit sa famille, pour se reconstruire autrement en s’installant à Paris et devenir un intellectuel brillant. Il raconte qu’il a eu moins de mal à se défaire de la honte de l’homosexualité, qu’à affronter la « honte sociale ». Il raconte aussi comment ses parents communistes dans sa jeunesse, ont voté Front national dès les années 90, comment le corps de ses parents portent leur classe et sont broyés par l’usure du travail.
Ce texte est beaucoup plus connu en Allemagne qu’en France. Thomas Ostermeier (directeur de la Schaubühne) a eu le désir de le monter à Berlin, dans une adaptation en allemand (2017) au moment des manifestations d’extrême droite. Aujourd’hui, il en donne une version française, avec des acteurs français ( Cedric Eeckhout, Irène Jacob, Blade Mc Alimbaye).
C’est une sorte de défi théâtral , peut-être impossible tant le texte est loin de l’être.
Sur une scène dépouillée, juste une table, une chaise, un micro. Une femme (Irène Jacob) lit le texte, pendant que dans le bureau d’enregistrement ( à cour), deux techniciens s’affairent. Au dessus de la scène un écran sur lequel défilent des images de l’appartement HLM des parents de Didier Eribond, de sa mère avec qui il regarde des photos anciennes, puis des images de la cité, (le supermarché, le parking, la laideur et la banalité), puis encore des images d’événements importants en France (mai 68, Mitterrand marchant vers le panthéon…) Le texte devient alors plus directement politique et donne à entendre comment successivement les présidents de la République depuis Mitterrand se sont éloignés de la classe ouvrière, comment les classes populaires sont devenues invisibles…jusqu’aux « gilets jaunes ».
Un des deux techniciens du studio d’enregistrement, Blade Mc Alibaye, un black, rappeur, dans un intermède chante sa famille congolaise enrôlée dans la guerre de 14-18 qui n’a connu aucune reconnaissance, et les migrants morts en Méditérranée.
Ostermeirer, sans le trahir, s’éloigne du livre d’Eribond en élargissant l’analyse jusqu’à l’universel. Peut-être est-ce là que le bât blesse. Là où Eribond partait d’une analyse très personnelle, très intime, le discours chez Ostermeier tend aux généralités moins incarnées, plus faciles. D’autant qu’en ce qui concerne les images du film elles restent assez banales (on les a déjà vues) et souvent illustratives.
Finalement pour ma part je trouve que ce geste théâtral est très courageux et important, mais pas très réussi sur le plan strictement théâtral.
Retour à Reims, version française, d’après Didier Eribon mis en scène par Thomas Ostermeier
Théâtre de la Ville-Espace Cardin 01 42 74 22 77
jusqu’au 16 février, durée 2h
Retour à Reims de Didier Eribon
Champs essais 2018 8€
photo Mathilda Olmi
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